Le premier XIXe siècle met la Serbie en contact plus intense avec la France, berceau des valeurs démocratiques et du patrimoine culturel européen aux yeux des Serbes subissant l’occupation turque depuis des siècles. C’est à partir de cette période que commencent à se développer les liens culturels, politiques et éducatifs plus étroits entre deux pays, particulièrement renforcés pendant la Grande Guerre, où la France aide les jeunes serbes en leur ouvrant la porte de ses écoles et universités. La Convention signée en 1920 en vue de la mise en place de la coopération intellectuelle et éducative (surtout universitaire) des deux pays prévoyait également la position privilégiée de la langue française au sein du système éducatif serbe : en effet, dans les années 30 du XXe siècle, celleci sera la matière la plus enseignée après la langue serbe et les mathématiques, et le Ministère des affaires étrangères françaises enverra régulièrement des livres français, ainsi que des diplômes et médailles pour les meilleurs élèves. En raison de la croissance de l’influence politique italienne et surtout allemande dans les Balkans, un Congrès des clubs français de Yougoslavie, tenu en 1935, marque le début des démarches coordonnées visant à renforcer la présence française dans tous les domaines de la vie sociale yougoslave. Les responsables du Département d’éducation auprès de l’Ambassade yougoslave à Paris (Aleksandar Arnautovic puis Milan Markovic) informaient régulièrement Belgrade des activités dans la capitale française et ailleurs. Les boursiers du Gouvernement français (qui accordait la moitié de la somme totale du budget aux étudiants yougoslaves, dont le nombre variait entre 60 et 100 par an dans la période 1936-1940), du retour dans leur pays, répandront l’esprit de la culture française, ainsi que les connaissances acquises dans tous les domaines. Parmi les personnalités importantes qui excelleront dans leur métier se trouvent : Dr Vukan Cupic, professeur à l’Université de Belgrade et directeur de l’Institut belgradois pour la mère et l’enfant (boursier du fonds d’Alexandre de Yougoslavie de la mairie de Marseille 1938-1940), le chimiste Pavle Savic qui collaborait avec Irène Curie, Dr Borisav Arsic qui a soutenu la thèse La Vie économique de la Serbie du Sud au XIX siècle (Paris, France-Balkans, 1936), Dr Branislav Vojnovic, directeur du Théâtre national, Dr Milos Savkovic qui étudiait l’influence de la littérature française sur le roman serbe etc. Les jeunes yougoslaves choisissent surtout la littérature, les arts et les sciences humaines. D’autre côté, le gouvernement yougoslave finançait chaque année cinq étudiants français faisant la recherche au sein des universités yougoslaves. De nombreuses conférences sont dispensées par les professeurs yougoslaves et français ; les écoles franco-serbes, l’Institut français, les clubs et les associations de l’amitié donnent les cours de français ; l’Association des étudiants en langue et littérature françaises organise les soirées françaises et va régulièrement en excursions en France ; le Ministère d’éducation finance les formations estivales des professeurs de français. Du côté français, l’Institut slave, la Chaire de serbo-croate à l’École de langues vivantes orientales avec des professeurs éminents tels André Vaillant et André Mazon, le Lectorat serbe à Paris, Strasbourg, Lyon etc. contribuaient aux études yougoslaves. La langue serbo-croate a été inscrite sur la liste des langues vivantes que les élèves pouvaient passer au baccalauréat en 1936. Pourtant, cet épanouissement sera de nouveau menacé par une pénétration politique et économique des forces de l’Axe de plus en plus forte à la veille de la Deuxième guerre mondiale : c’est ainsi que l’allemand devient la langue étrangère obligatoire au detriment du français en 1940, les entreprises françaises ferment leurs portes, tandis que de nombreuses activités culturelles et démarches éducatives cherchent à préserver l’état privilégié dont la France jouissait en Serbie depuis la Grande Guerre.